Les sourires

Parfois il y a le sourire resté sans réponse. On croise le regard, on tente d’être celui qui commence, mais la réaction ne vient pas, ou elle n’est faite que d’une grimace forcée qui demande toute l’imagination du monde pour y voir un sourire. Alors celui que l’on essayait de débuter meurt, trop faible et trop seul pour survivre. Les regards se fuient pour ne pas regarder l’inconfort dans les yeux.

Mais le plus mémorable reste toujours le sourire incontrôlable. Souvent il commence discret, sans que l’on sache trop pourquoi il naît ni qui l’a commencé. Mais se répondant de part et d’autre, il grandit, prenant de la force, échappant à tout contrôle et balayant les masques que nous pensions porter. Deux sourires rayonnants auxquels aucun des deux auteurs ne peut rien, ni ne le veut d’ailleurs. Un instant d’intimité entre deux étrangers.

Ce genre de sourire reste présent en mémoire pendant des années, et si plusieurs années après je me souviens de ces instants partagés, alors sûrement ces personnes s’en souviennent également. Nous ne nous connaissons pas, mais nous nous souvenons, nous partageons cet instant.

Combien de vacances ?

Cet Allemand de passage au Japon lance soudain le sujet des vacances. « J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas beaucoup de vacances au Japon. » Et de leur demander : « Vous avez combien de jours de congés ?
— Huit jour par mois. »
Il est surpris, ça semble beaucoup. Je le regarde. « Je crois qu’elle parle des week-ends.
— Ah, mais en dehors des week-ends ?
— Il y a les jours fériés.
— Oui mais sinon, les vacances ? »
Elle ne semble pas comprendre où il veut en venir, et s’apprêter à répondre que non, quand l’autre signale les cinq jours en été. Il me regarde, sans voix. « Oui nous ça nous choque, mais eux ça leur semble normal. »

Que faire lorsque l’on perd sa SUICA

Cet article ne va concerner qu’un nombre réduit de personnes, à savoir les francophones résidant au Japon, puisque comme l’indique le titre il explique ce qu’il faut faire lorsque l’on perd sa carte SUICA. Mais cela me donne l’occasion de rédiger quelque chose, ce que je n’ai pas fait depuis trop longtemps. Avec de la chance il servira à quelqu’un arrivé ici après une recherche Google.

Par égard pour ceux qui continuent à lire alors qu’ils ne sont pas concernés, je vais préciser que la carte SUICA est une carte à base de RFID utilisée dans certaines parties du Japon (je ne sais pas lesquelles, je sais juste qu’à Nagoya je ne pouvais pas l’utiliser car les machines ne connaissaient que le PASMO) et servant notamment de titre de transport. On peut y ajouter de l’argent grâce à des bornes et ainsi payer son transport simplement en passant les portiques, ou l’utiliser pour payer dans les combini ou même aux distributeurs de boissons (une race dominante, qui semble tolérer la présence des humains). En cela c’est une version réussie du Moneo. On peut également l’utiliser comme support pour son abonnement, le commuter pass, ce qui est tout de même autrement plus pratique qu’un billet magnétique dont l’espérance de vie pour un usage quotidien est probablement très inférieure à la durée de l’abonnement. En cela c’est un équivalent du Pass Navigo.

Il y a deux semaines j’ai donc égaré cette carte, et si je n’étais pas trop ému à l’idée de ne plus revoir le millier de Yens que je me souvenais avoir dessus, j’étais déjà beaucoup plus triste pour mon abonnement de six mois que je venais tout juste de renouveler. Après avoir attendu quelques jours avec l’espoir de remettre la main dessus ou que l’on me contacte pour me prévenir qu’elle avait été retrouvée (mes coordonnées étant présentes dessus ; on n’est pas obligé de les indiquer il me semble), j’ai finalement fait le deuil de cette idée et me suis rendu dans un bureau JR (Japan Railway) afin de faire une nouvelle carte.

Là j’ai dû remplir un formulaire de demande et présenter ma carte de gaijin, que le guichetier a utilisés pour retrouver mes références dans sa base de données et finir de remplir le formulaire, et me suis vu remettre un coupon magnétique à apporter le lendemain pour obtenir une nouvelle carte. Deux jours plus tard — car le lendemain j’étais bien trop occupé à tester quelques grands huit — je suis donc allé au même bureau, où il m’a effectivement suffit de donner ce coupon et montrer à nouveau ma carte de gaijin pour récupérer, moyennant 1000 Yen (si j’ai bien compris : 500 pour la carte comme d’habitude, et 500 de frais), une nouvelle SUICA avec mon abonnement ainsi que la quantité de crédit que je me souvenais à peu près avoir.

En bref, si vous perdez votre carte SUICA mais que vous aviez indiqué vos coordonnées (il me semble que cette condition est obligatoire), la mésaventure ne vous coûtera que 1000 Yen et les frais de transport que vous aurez pendant ce temps, ainsi que deux visites au guichet.

Encore d'autres fréquentations

Me sachant de retour du SIGGRAPH, qui se tenait début août à Vancouver, mon ami de maintenant longue date Frédéric me proposait de publier chez lui quelque chose sur le sujet. Frédéric tient depuis longtemps un blog dont la ligne directrice a évolué petit à petit au cours des années pour se concentrer maintenant sur l’expérience utilisateur et l’ergonomie en général, et qu’il a donc renommé relativement récemment Le Rayon UX. Ça fait trop longtemps que je n’ai rien rédigé et il faut reconnaître que ça fait du bien d’écrire de temps à autres.

Ça se passe ici : Shade me I’m hot, débauche graphique au SIGGRAPH 2011.

Une idée de beau cadeau

Avez-vous remarqué comme les gens ont tout plein d’idées sur ce que vous pourriez faire de votre argent ? C’est tellement plus facile à dépenser quand ce n’est pas le sien !

Aujourd’hui c’est moi qui vais vous proposer ce que vous pourriez faire de $50 qui traîneraient narquoisement sur la table de votre salon, semblant retenir un rire moqueur à chaque fois que vous vous demandez en vain ce que vous pourriez bien en faire.

Aujourd’hui je vous propose d’offrir, à un ami, vos parents, votre copain ou copine ou les deux, ou tout simplement à vous-même : le livre Tokyo-Ga.

Tokyo-Ga, qui tire son nom du film du même nom, est à l’origine un groupe sur le site communautaire de photographie, Flickr. Créé il y a quelques années par Dairou Koga, ce groupe rassemble un cercle de photographes, japonais ou étrangers, tokyoïtes ou seulement de passage, qui partagent un amour pour cette ville. Nombre d’entre eux sont d’un talent rare, et le regard qu’ils portent sur leur propre ville est fascinant : innocent, joueur, badin, intime, personnel.

Koga-san est un passionné de photo, mais surtout un passionné de livres. Sa carrière entière baigne dans le monde du livre, et il a récemment réalisé un rêve avec un ami en ouvrant il y a deux ans un café, le Hibari & Tegamisha, dans lequel on peut consulter ou acheter des ouvrages d’occasions. Rapidement le Tegamisha est devenu le point de repère, presque le QG, de la communauté Flickr de Tokyo.

Ce n’était donc qu’une question de temps avant que le groupe Tokyo-Ga ne donne naissance à un livre de photos.

The Visitor #1 : un portrait de moi au Tegamisha, par Dairou Koga

Mais comme vous le savez, le Japon a été frappé le 11 mars dernier par un énorme tremblement de terre et le tsunami qui a suivi a provoqué des dégâts inimaginables. Les media étant prompts à changer de sujet le Japon ne fait plus la une, mais la situation dans les zones touchées est encore bien loin d’être revenue à la normale. En témoignent ces photos prises sur place par Koga-san lui-même.

On pourrait croire qu’il s’agit d’images au lendemain du tsunami, elles sont en réalité toute récentes. Le reportage photo de Max Hogges donne également un aperçu de ce que peut être le quotidien des sinistrés sur place, des gens dont la maison, le village, parfois la ville entière a été transformé en tas de débris.

L'impossible oubli #1, par Dairou Koga

L'impossible oubli #4, par Dairou Koga

Si le Japon ne fait plus la une, beaucoup reste à faire donc. Ce livre est un des moyens que ces photographes ont trouvé de faire quelque chose : comme l’explique le site, les bénéfices en dehors des seuls frais d’impression iront à la Croix Rouge.

N’ayant pas encore eu l’ouvrage entre les mains, je ne peux rien dire quant à la qualité de la reliure et autres points chers aux amateurs de beaux livres. Par contre je ne peux que vous recommander très chaudement le travail de ces photographes, dont je suis régulièrement le stream Flickr. Ce livre est assurément un beau cadeau à faire, qui fera plaisir sans le moindre doute, et d’autant plus aux amateurs de photo et aux amoureux de Tokyo.

Le site du livre

Le site pour le commander

160yen - A day on the Yamanote line - Shinjuku Station - 00:54, par Fabrizio Quagliuso