Les villes japonaises se ressemblent énormément. Un quadrillage de rues bien alignées, des enchevêtrements inquiétants de câbles électriques, des blocs de bâtiments complètement hétérogènes mais avec pour point commun les dissipateurs de climatisation et les ballons d’eau, une grande galerie couverte, des routes et des voies de chemin de fer superposées sur plusieurs étages…
Lorsque l’on passe dans une ville en train, et notamment en Shinkansen, les voies arrivent souvent à hauteur de fenêtres d’immeubles, et l’on saisit malgré soi des instants de vie au moindre regard à la fenêtre. L’image est fugace, au point que l’on a à peine le temps de la comprendre et elle a déjà disparu, mais cela suffit à en percevoir l’atmosphère.
Ici c’est une étudiante qui passe un entretien oral dans une grande salle de cours où sont seules présentes son examinatrice et elle. Là c’est une réunion de travail au bureau. Ailleurs c’est un employé qui n’est pas encore parti alors que le bureau est déjà vide, ou encore une femme qui est assise seule dans sa cuisine.
On ne sait pas qui sont ces gens, on n’a pas le temps de se souvenir de leur visage ni de l’endroit où ils habitent, on sait qu’on ne les reverra jamais, qu’on ne saura jamais rien d’eux, ni comment ils s’appellent. Et pourtant, l’espace d’un instant, on a perçu une image de leur vie, depuis la fenêtre d’un train sans numéro ni destination qui passait devant leur fenêtre.