L'homme qui venait de partout

Pour mon deuxième passage à Hiroshima, deux ans après le premier, je suis retourné à ce café que la serveuse d’un restaurant avait eu la gentillesse de nous conseiller : le Café 44 (à prononcer en français).

Là, assis seul au bar, faute de place ailleurs en ce vendredi soir, je discute avec la serveuse du bar. Elle est déjà venue à Paris, il y a deux ans. Amusant comme coïncidence. Un client s’installe un peu à ma droite : un homme d’une quarantaine d’années, apparemment employé de bureau, peut-être avec des responsabilités, probablement père de famille. Il semble être un habitué des lieux et entame la discussion avec la serveuse et moi.

Je lui demande d’où il vient. C’est une question que je pose souvent aux japonais que je rencontre. « De Osaka. Mais j’ai habité à Tokyo. » À son tour il me demande par quelles villes je suis passé : Tokyo, Nagoya… « Ah, Nagoya, j’ai vécu à Nagoya aussi ! » « Mais vous avez vécu partout ! » « Oui, un peu. » concède-t-il avec un sourire.

Je lui demande alors, parmi ces villes, dans laquelle il a préféré vivre. La question m’est naturelle, pourtant il semble surpris. Elle le plonge dans une profonde réflexion, comme si on ne la lui avait jamais posée auparavant.

Après un temps il me répond : « Kobe ».

Utiliser un clavier PC AZERTY sous Mac OS X

Outre un enthousiasme modéré pour la disposition du clavier Mac, comme j’utilise un clavier de type PC la plupart du temps tandis que je travaille sur Mac au bureau, afin d’éviter de devoir changer mes réflexes à l’échelle de la journée, j’utilise un clavier PC sur le Mac également. On trouve très facilement sur le net des dispositions de clavier Mac pour PC, mais pas vraiment l’inverse, et les rares que j’ai trouvés ne m’ont pas semblé satisfaisants. J’ai donc pris le temps de configurer intégralement ma disposition clavier, que vous pouvez télécharger en bas de ce billet.

Cela m’a d’ailleurs permis d’ajouter au passage quelques combinaisons de touches personnelles donnant accès à des caractères brillant par leur absence du clavier AZERTY (lettres accentuées majuscules et « Ç » cédille majuscule grâce à la touche CAPS LOCK, ligatures « Æ » et « Œ » et avec la touche Alt et respectivement « A » et « O ») : pouvoir les utiliser sans recourir à des astuces ou des fonctionnalités dépendantes de l’éditeur est un plaisir quotidien. L’outil utilisé pour écrire cette disposition est le logiciel Ukelele.

Voici donc le fichier de configuration, à placer dans le répertoire adapté (/Library/Keyboard Layouts/ ou ~/Library/Keyboard Layouts/) pour pouvoir utiliser cette disposition. Une fois votre session fermée puis ouverte à nouveau, la nouvelle disposition sera accessible depuis le panneau International des Préférences Système. En espérant que cela vous rende service. ;-)

Disposition clavier PC AZERTY pour Mac OS X.

La programmation n'est pas un art

Il arrive de rencontrer au détour d’une page Internet des discussions sur la question de savoir si la programmation est-elle un art. Ma réponse à cette question est très tranchée : non, la programmation n’est pas un art.

La première question à se poser pour en débattre est ce qu’est l’art. Des générations de penseurs ayant été bien en peine d’y répondre, voyant systématiquement leurs artistes contemporains se faire un plaisir d’invalider par l’exemple leurs définitions successives (non l’art n’est pas forcément beau par exemple), je vais éviter soigneusement ce jeu auquel on perd des plumes facilement. Je vais plutôt me limiter à ce que l’art peut faire.

L’art peut émouvoir.

Un livre, un poème, un dessin, une peinture, une photo, une musique, une pièce de théâtre, un film, une danse, un opéra savent émouvoir. Avec une finesse parfois déconcertante. Un ornement floral peut exprimer aussi bien la passion que le deuil de même qu’une architecture peut exprimer le romantisme, le respect, le bien-être ou l’angoisse. Si l’on s’interroge sur ce qu’on considère habituellement comment tenant de l’artistique, on constate qu’une caractéristique de l’art est de pouvoir exprimer et communiquer, sciemment, des émotions.

Un programme informatique quant à lui exprime des concepts. Il ne communique aucune émotion. Ce n’est pas un art. On peut certes faire de l’art grâce à la programmation, mais elle n’en est pas un art pour autant : la sculpture est un art mais pas le maniement du ciseau en soi. Il existe certes plusieurs façons de résoudre un problème, dont certaines sont plus élégantes que d’autres, mais savoir les choisir tient de la compétence et non de l’art. Bien programmer est certes tout un art, mais maîtriser l’art de la programmation ne rend pas plus artiste que de maîtriser l’art de démontrer des théorèmes.

Non, la programmation n’est pas un art.

À vrai dire j’ai une certaine incompréhension envers cette tentative d’élever, si tant est que ce terme soit adapté, la programmation au rang d’art. Comme si sa nature scientifique était insuffisante pour la rendre digne d’intérêt et que la qualification d’art seule lui permettait d’acquérir des lettres de noblesse supposées manquantes.

Bon, tout ceci étant dit, je veux bien accorder qu’un programme peut faire ressentir de l’angoisse, faire rire, mettre en colère ou simplement donner envie pleurer. ;-)

Contemplation

Depuis le balcon

Je suis assis au balcon, au huitième étage de cet immeuble dans lequel j’ai emménagé il y a maintenant un peu plus d’un mois. Ce soir mon colocataire n’est pas encore rentré, et l’habituelle discussion légère du soir est remplacée aujourd’hui par un instant de calme.

Ce soir il fait frais ; avec cette chemise épaisse ça va, mais les jours se sont rafraichis dernièrement. Il semblerait que ce soit vraiment la fin de l’été. J’espère que l’on aura tout de même un weekend de répit ensoleillé avant que l’automne n’affirme sa présence.

J’écoute le bruit de la ville, à l’abri des immeubles. Un léger ronflement continue et informe, qui laisse place dès que l’on y prête attention à de lointains pneus sur le boulevard, accélérations de motos et autres sirènes. Il y a parfois également quelques voix ou un aboiement, provenant de quelque rue en bas.

Le ciel n’est pas tout à fait noir. Il ne le sera de toute façon pas plus que cela, limité par la pollution lumineuse à ce violet grisâtre aux ambitions d’orangé.

Devant moi, les tours du 13ème, et, plus près, quelques immeubles beaucoup moins élevés, aux appartements que l’on vendrait en disant « de standing ». Les couleurs des fenêtres sont sensiblement les mêmes. Il y a les appartements aux lumières éteintes, ceux aux lumières chaleureuses, et puis il y a cette fenêtre bleuâtre, avec ce gars probablement en train de jouer à un jeu vidéo sur son ordinateur tout en téléphonant semble-t-il. Il y a à l’autre étage elle qui bricole je ne sais quoi dans sa cuisine, et lui qui passe une main affectueuse sur ses omoplates en passant à côté d’elle. Il y a là bas quelqu’un qui ferme un rideau.

Parfois on distingue une personne, parfois même plusieurs – encombrement dans la cuisine, peut-être une soirée entre amis – mais la plupart de ces fenêtres ne sont que des rectangles colorés, de teinte allant de l’orange au jaune sensiblement vert, avec parfois une étoile étincelante, la lumière de la pièce.

C’est calme ce soir. Comme tous les soirs. C’est reposant d’observer ce paysage urbain après la journée. Rentrons.

Nuit orangée

Anecdotes de la Science – Chronologie des nombres premiers

Édouard Lucas
Parfois, les mathématiques ont comme un goût d’anachronisme. Par exemple on pourrait naturellement s’attendre à ce que les nombres premiers aient été trouvés dans l’ordre croissant. C’est d’ailleurs le cas pour la plupart. Mais lorsque l’on observe la chronologie de la découverte de ces nombres, il y a comme un intrus : un nombre dont la démonstration de la primalité semble complètement anachronique. On doit cette anecdote au mathématicien Édouard Lucas.

Rappelons qu’un nombre premier est un entier naturel qui ne connaît que deux diviseurs, distincts : 1, et lui même. Ainsi sont premiers 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 23, etc. Il est très probable qu’au début, les mathématiciens s’intéressant à ces nombres se soient donné la peine de les rechercher, grand jeu s’il en est, de façon naïve, c’est à dire en avançant de nombre en nombre et en vérifiant les diviseurs de chacun.

Puis à mesure que les mathématiques ont avancé, fournissant de nouveaux outils, et que la connaissance des nombres premiers s’est enrichie de propriétés de ces derniers, on a su exprimer de plus en plus de ces nombres, de plus en plus grands. Mais cela ne change a priori pas le fait que les nombres premiers soient découverts dans l’ordre croissant du fait de la difficulté croissant avec la taille des nombres. Et pourtant.

La chronologie des nombres premiers jusqu’au début des années 60 est la suivante :

  • 1461 : 5 chiffres (auteur inconnu)
  • 1588 : 6 chiffres (Cataldi)
  • 1750 : 10 chiffres (Euler)
  • 1883 : 19 chiffres (I.M. Pervushin)
  • 1911 : 27 chiffres (Powers)
  • 1914 : 33 chiffres (Powers)
  • 1876 : 39 chiffres (Lucas)
  • 1952 : 157, 183, 386, puis 687 chiffres (Robinson)
  • 1957 : 969 chiffres (Riesel)
  • 1961 : 1281 puis 1332 chiffres (Hurwitz et Selfridge)

Notez la découverte en 1914 d’un nombre premier de 33 chiffres, et celle par Édouard Lucas d’un nombre premier de 39 chiffres en… 1876. Soit un anachronisme de plus d’une trentaine d’années et trois records battus en avance !

Édouard Lucas (1842 – 1891) est entre autres l’auteur d’un test de primalité, qu’il utilisa pour démontrer la primalité du nombre de Mersenne M127, sans pour autant l’exprimer. Chose amusante également : ce nombre reste à ce jour le plus grand nombre premier dont la primalité a été démontrée sans recourir à un ordinateur.

Article « Nombre_premier » sur Wikipédia
Article « Nombre premier de Mersenne » sur Wikipédia
FAQ « Prime Numbers » sur une archive de Usenet
Article « Édouard Lucas » sur Wikipédia