Avoir vingt ans de moins, c’est un peu l’impression que j’ai parfois lorsqu’il s’agit d’apprendre le japonais et la culture japaise.
Même si avec sa grammaire très logique et son faible nombre d’irrégularités cette langue n’est pas particulièrement difficile, elle est tellement éloignée des langues indo-européennes que son apprentissage prend nécessairement beaucoup plus de temps que bon nombre de langues européennes. Rien à voir avec une langue comme l’anglais, l’italien ou l’espagnol par exemple, qui partagent avec le français une structure similaire, quand elle n’est pas rigoureusement identique, dont le vocabulaire provient de racines communes, et dont la façon d’exprimer les idées est la même.
Aussi, même après quelques années, faute de les avoir passées sur place, en immersion complète comme on dit, les phrases sont construites avec peu d’assurance et avec beaucoup de fautes, plus ou moins graves. Celles-ci vont de la vraie erreur facile à corriger, à la tournure correcte mais qui ne s’utilise pas pour une raison inconnue et qui trahit sans hésitation quelqu’un dont ce n’est pas la langue maternelle. Au final, sans surprise, n’importe quel enfant japonais en âge d’être en école primaire parle mieux que moi. Je me suis même vu expliquer, d’une façon remarquablement claire, une construction grammaticale de base par un enfant de six ans.
Le japonais, comme chacun le sait, utilise de plus un système d’écriture complètement différent de l’alphabet auquel on est habitué, aussi bien graphiquement que fonctionnellement. En fait d’un système d’écriture, il en utilise trois : deux syllabaires, relativement simple à apprendre, et des kanji venant directement des idéogrammes chinois. Ces derniers se comptent par milliers, et en connaître 2000 est considéré comme le minimum requis au sortir du lycée. Mis à part le travail que cela peut représenter, l’apprentissage de l’écriture japonaise a ceci d’amusant qu’il revient purement et simplement à apprendre à écrire. Mon écriture japonaise est-elle incertaine et laide comme celle d’un enfant ? Je n’ai pas le recul pour le dire, mais c’est très probable (d’autant qu’objectivement, mon écriture est de toute façon catastrophique :-) ).
Enfin, parmi les différentes activités pratiquées en vue de cet apprentissage, le visionnage de films et de drama (séries japonaises) est un bon moyen d’habituer son oreille à la langue, d’apprendre les expressions idiomatiques, les différents niveaux de langage, ou tout simplement de se mettre à l’épreuve. Mais se pose un nouvel apprentissage, culturel, beaucoup plus innattendu. La culture japonaise est bien entendu elle aussi très éloignée et très différente de la notre, jusque dans des détails qui pourraient sembler universels. Cela ressort bien évidemment dans les fictions.
Mais les fictions ont, tout comme ici, fortement recourt à une certaine symbolique, qui peut-être plus ou moins détachée de la réalité. Baigné malgré soi dans un monde d’histoires depuis l’enfance, on apprend très tôt à distinguer la réalité, la symbolique et la fiction. Mais voilà que dans ce nouveau monde d’histoires, je ne sais plus faire cette distinction, et il me faut à nouveau apprendre à la faire.
Dans ces moments, j’ai parfois l’impression d’expérimenter un retour en arrière de vingt ans.