Bienvenue à Shibuya

Shibuya est l’un des quartiers branchés de Tokyo : situé au sud-est de la ligne Yamanote, après les « salarymen » de Shinjuku et les crêpes de Harajuku, c’est le quartier des jeunes et des fringues. Il est dit que la mode y a déjà changé juste le temps de le traverser.

Shibuya, c’est ce que la télévision occidentale montrera du Japon dès qu’elle voudra effrayer ses spectateurs en seulement quelques secondes. Shibuya, c’est une grande claque dans la figure en sortant de la station, à laquelle rien ne peut préparer sinon être déjà venu. Il faudra bien quelques minutes au touriste pour se remettre du choc initial et commencer à songer à utiliser son appareil photo, qui pend autour de son cou tout comme sa mâchoire. Mais cela ne concerne pas que les étrangers : les Japonais sont tout aussi impressionnés la première fois qu’ils entrent dans cet univers.

Car c’est bien ce dont il s’agit : Tokyo a en effet de multiples visages, qui semblent être autant de mondes complètement différents, agglutinés et criant leur identité jusqu’à leur frontière. L’on change de rue et c’est tout un décor qui change. Shibuya est ainsi : c’est un quartier qui ne s’étend que sur quelques centaines de mètres, et si l’on suit une rue trop longtemps on a l’impression de s’être trompé, d’être sorti par erreur ou malgré soi d’une salle de cinéma, d’être passé de la couleur au noir et blanc, de l’évènement au simple quotidien.

Shot by accident

Étonnamment, Shibuya a également plusieurs visages au sein même du quartier : le carrefour principal et les rues qui en partent sont le Tokyo moderne, imposant, vertical, fait de verre et de néons, d’enseignes lumineuses, de publicités sur écrans géants, et de passages piétons musicaux ; mais un peu plus loin, au détour d’une rue, on découvre son autre regard, le Tokyo intime, ses ruelles tortueuses régulièrement interrompues par quelques marches, ses boutiques à peine assez larges pour une personne. D’un côté comme de l’autre, l’ambiance reste cependant la même : chatoyante, bariolée et euphorique.

Stairs in Shibuya

Ce fameux carrefour principal est d’ailleurs généralement la première chose que l’on voit en arrivant dans le quartier, dont il est l’entrée en quelque sorte. Sortie de la station JR, dont la cohue laisse présager que l’endroit est fréquenté, le regard se dirige naturellement vers le haut. Pas seulement parce qu’il n’y a pas grand chose à voir à l’horizontale si ce n’est le flot de personnes dont on fait alors partie, mais parce que le spectacle commence : des affiches qui semblent avoir escaladé les bâtiments pour trouver la plus haute place, des enseignes faites de néons et animées au rythme de leur changement de couleur, des écrans géants diffusant des publicités dont la bande sonore inonde la place. En face, le café Starbucks, surmonté d’un premier écran géant faisant écho à celui du bâtiment de l’autre côté de la rue. Par moment les deux diffusent le même spot, synchronisé. Dans les deux cas, on baigne de toute façon dans un bruit indescriptible, musical et joyeusement cacophonique. Bienvenue à Shibuya !

À mesure que l’on avance, on commence à percevoir ce qu’il y a devant, plus seulement le haut des magasins. On arrive alors au bord du trottoir, duquel on pourra franchir le passage piéton qui est peut-être le plus fréquenté au monde. Le carrefour de Hachiko, en référence à la statue du chien du même nom, est reconnaissable entre mille. Tandis que les piétons ont interdiction de traverser, les voitures passent tout d’abord dans un sens, puis c’est au tour des voitures de l’autre axe, et enfin c’est au tour des piétons : plus aucune voiture ne passe et la marée humaine s’élance. Comment pourrait-on l’appeler autrement ? Il ne s’agit pas de quelques dizaines de personnes, ni même d’une centaine, mais plus raisonnablement d’au moins un millier de piétons que le le trottoir déverse. Les derniers finissent de traverser en courant, et c’est alors à nouveau au tour des voitures, tandis que les trottoirs se remplissent à nouveau, qu’un rempart humain se construit, à une vitesse effrayante.

Rempart humain

Parmi les directions possibles, à gauche la rue mène entre autres à l’un des hauts lieux du quartier : le Shibuya 109, dont la tour est immanquable. Cette galerie sur huit niveaux plus encore deux niveaux souterrains regroupe une centaine de boutiques, collées les unes aux autres et disposées autour de l’unique escalator. Des vêtements et foulards aux bijoux en passant par les cœurs à coller sur son téléphone portable, absolument toutes s’adressent exclusivement aux filles : les seuls garçons que l’on voit dans cet endroit sont donc ceux venus acheter un cadeau, ceux trainés de force, et les quelques rares touristes. Chaque boutique a son style, allant du classique au gothique en passant par toute une palette d’identités, et afin de s’affirmer un peu plus, chacune à recours à un fond sonore : de la musique, forte, suffisamment pour couvrir celle de la boutique juste à côté. Le résultat est un vacarme invraisemblable : passer devant ces boutiques est comme zapper entre des clips musicaux sur une télévision grandeur nature. Il ne reste plus qu’à ajouter une clientèle féminine, jeune (depuis le lycée jusqu’au début de la trentaine), à la pointe de la mode, et très nombreuse pour avoir une image complète de l’endroit.

Symbol

Autre immeuble, autre commerce, autre ambiance : le game center. Il ressemble à n’importe quel autre, et respecte scrupuleusement les règles du game center. Le rez de chaussée comporte les machines attrape-peluche, « UFO catcher », accessibles en premier lorsque l’on rentre, et les purikura juste derrière. Puis à mesure que l’on monte les étages on passe par les jeux musicaux (encore que j’ai pu voir une borne DDR placée de manière fort accueillante à l’entrée :-) ), les jeux d’arcade, les jeux d’argent, et enfin les jeux oldschool. Ailleurs, un Mac Donald, nombre de karaoke, restaurants, etc. : on retrouve ses marques, car finalement c’est essentiellement un quartier où l’on vient pour consommer (et pas seulement en prendre plein la vue).

Dans la rue, dès que l’endroit le permet, chaque magasin y va de son stagiaire pour faire venir les clients. Elle est Japonaise (pas surprenant), mignonne (à vrai dire, pas surprenant non plus), d’autant plus avec son chemisier blanc, son pantalon noir classique et son panier en osier au bras, mais cela n’empêche pas les passants de l’ignorer avec détermination ou indifférence. Soudain, un garçon qui ne doit pas avoir plus de quatre ans d’écart fait l’erreur de lui prêter poliment attention lorsqu’elle lui adresse la parole en lui tendant un papier tiré de son panier. Il ne le sait pas encore, mais cela va lui coûter les dix prochaines minutes. De loin, impossible de les entendre ; d’ailleurs au delà de quelques mètres comment entendre distinctement qui que ce soit à Shibuya ? Mais la gestuelle dit déjà tout : elle lui vante les mérites d’une boutique dans une rue perpendiculaire et l’enjoint à la visiter. Son rôle est clair : la rue dans laquelle se situe la boutique n’est pas assez fréquentée, elle cherche à faire venir des clients depuis cette rue au contraire très passante. Il accepte gentiment le prospectus. Elle lui montre la direction, il a compris, acquiesce et tente de reprendre son chemin. Mais elle est obstinée, elle le rattrape, et lui montre à nouveau la direction de la boutique, elle est même prête à l’accompagner, tentant de provoquer le mouvement en faisant un pas avec un air de « Venez ! ». Ce petit manège dure un moment mais finalement, malgré sa gène à prendre congé, il reprendra sa route. Tel est le genre de scène qui s’offre au regard de quiconque prend un peu de temps pour s’arrêter et observer.

The city hunter

Ma description de Shibuya s’arrête ici, mais si vous souhaitez en lire une autre, je vous recommande chaudement celle-ci : Shibuya / Under Control. Avec un récit imagé et d’une rare pertinence, au point que si l’on connaît l’endroit on a l’impression d’y être à nouveau, c’est de loin la meilleure qu’il m’ait été donné de lire. Finalement, je crois que l’on ne peut qu’aimer ou détester cet endroit : il n’y a pas de demi mesure, et l’on sait à quel camp on appartient dès les premières minutes.?Pour ma part, c’est l’un des quartiers que je préfère dans le monde.

Vu sur un distributeur de billets

Il est toujours amusant de voir un affichage quel qu’il soit rappeler bien malgré lui qu’il tourne sous Windows avec un PC classique. En cherchant un peu sur Internet on en trouve facilement, depuis le distributeur de tickets de transport, au panneau des départs dans un aéroport.

Hier j’ai eu l’occasion de voir un distributeur de billets de banque encombré d’une boite de dialogue familière… Ça fait toujours sourire. :-) Je n’ai pas eu l’audace de tester si la fonction principale, le retrait, était toujours disponible.

Boite de dialogue Windows sur un distributeur de billets

Le paradoxe de l'unixien technophile

Prenons un informaticien du monde Unix : sauf exception, ce sera également le plus souvent un technophile facilement enthousiaste en matière d’innovation technologique. Ceci dit il aura probablement également un regard beaucoup plus critique, ne reconnaissant à une nouveauté un caractère novateur que beaucoup plus difficilement qu’un publicitaire par exemple. :-)

Prenons quelque chose de vraiment novateur justement. L’iPhone est d’un point de vue ergonomie sans doute parmi les plus aboutis aujourd’hui (et peut-être le plus lors de sa sortie) : son interface tactile (multitouch, mais à quoi bon préciser ?) est naturelle et intuitive au possible. Attraper des choses, feuilleter des pages ou des photos du bout de doigts, avoir un affichage qui s’adapte à l’orientation de l’écran : c’est ce que l’on veut vraiment, ce que l’on attend même. Ce type d’interaction traîne dans les conférences d’IHM depuis plus de dix ans, et enfin quelqu’un a eu le courage de mettre sur le marché.

Mettez cet objet dans les mains du sujet, et observez sa réaction. Manifestement, il est content. Mais pour faire son bonheur, permettez-lui en plus de faire ceci :

Shell zsh dans un iPhone

Soudain, il retrouve ses marques : il peut faire du ssh, rediriger des ls des sed et des grep. Revenu des années en arrière, il est comblé, il se sent rassuré, il est aux anges, il jubile, il peut frimer et poster un billet sur son blog en parlant de lui à la troisième personne.

Mais alors qui "died in blogging accident" ?

Vendredi a eu lieu un phénomène tout a fait remarquable sur ce petit monde qu’est le web. L’auteur génialissime du non moins génial quoi que artistiquement très discutable site xkcd a eu l’idée amusante de rechercher le nombre de résultats renvoyés par Google pour une recherche « died in a $danger accident », avec différentes activités plus ou moins dangereuses.

Dangers

Qui ne remarque pas en bas du graphe obtenu ce surprenant « blogging » et ses deux résultats ? Comme tout le monde en voyant ces chiffres, je n’ai pas pu m’empêcher de faire immédiatement la fameuse recherche sur Google, pour trouver, non pas 2, mais environ 350 réponses… Un peu plus tard dans la journée il y en avait déjà 4000, puis un peu plus de 7000 après à peine 24 heures tandis que ce petit phénomène faisait l’objet d’un article dans Slashdot, et maintenant le nombre de résultats dépasse les 50000.

Mais qu’en est-il des deux réponses originales ? La fonction de limitation à des dates de Google étant très pauvre, j’ai d’abord pensé à Exalead… qui s’est avéré être complètement hors circuit avec aucun résultat même sans limitation de date. Toutefois sur Altavista par exemple, on retrouve ces deux liens originaux, qui sont en fait un billet et le lien vers celui-ci sur la page MySpace de son auteur.

Alors je vous donne tout de suite le billet à l’origine bien involontaire de tout ce remue ménage. Le coupable c’est lui :

My dad died in a blogging accident

J’aime beaucoup les commentaires, à commencer par : « This blog is about to skyrocket in views. » :-)

C’était le test consistant à retrouver une aiguille dans une meule de blogs…

Piloter un Gundam

AkihabaraNews publiait le mois dernier un article sur un simulateur de MechWarrior : le « Senjo no Kizuna ».

J’ai testé pour vous, et la conclusion est que ça déchire complètement. :-)

Les bornes se présentent comme des sortes d’oeufs géants, occupant une place respectable, de l’ordre de 4m² chacune. Sur le côté on trouve au moins un pupitre, permettant de gérer son compte, et au dessus duquel un écran permet de suivre les parties en cours. Le design de l’ensemble est particulièrement soigné, avec des plaques en verre rétroéclairées, gravées de motifs futuristes, et une lumière à l’arrière des bornes indiquant si elles sont disponibles, ou utilisées et par quelle équipe. Une lucarne permet d’ailleurs de suivre de le combat du joueur depuis l’extérieur. Les salles d’arcade mettent en général également des sièges et une liste d’attente à disposition, ce qui n’est pas un luxe étant donné le succès du jeu dès l’heure de fin des cours.

Carte de pilotePour pouvoir jouer, il faut tout d’abord se procurer une carte de pilote, que l’on peut obtenir au pupitre pour 300¥. Sur celle-ci sont enregistrés le nom, le niveau, le score, et diverses autres données du joueur, ou plus vraisemblablement, juste un identifiant permettant d’accéder à ces données, probablement sauvegardées sur un quelconque serveur. Cette carte a d’ailleurs ceci de particulier qu’elle porte des informations imprimées, qui sont effacées et réécrites après chaque partie (nous avons testé : il s’agit bien de la même carte qui est rendue par la machine, et pas d’une nouvelle). Vous pouvez voir sur cette carte que j’ai donc très pragmatiquement choisi comme nom « Test », que je suis chez les gentils, et que ma dernière partie était le 12 novembre avec un score cumulé de 1231 points.

Il suffit ensuite de trouver une borne de libre, et de lui donner à manger cette carte ainsi que 500¥ pour pouvoir participer à deux parties de quatre minutes chacune. A l’intérieur, on est confortablement installé dans un siège réglable, et l’on dispose de deux pédales et de deux manettes de gaz, avec chacune une gachette. Après quelques messages en japonais invitant à régler son siège, choisir son robot, ses armes, et d’autres trucs auquels je n’ai pas compris grand chose, la liste des concurrents est présentée, et la partie peut commencer.

Deux équipes de quatre à huit robots, pilotés par de vrais joueurs (pas forcément dans la même salle) s’affrontent alors sur une carte. J’ai eu pour ma part l’occasion d’en voir trois, et les styles de jeu peuvent beaucoup varier d’une carte à l’autre : ma préférée est la ville en ruines, dans laquelle on peut se cacher derrière les immeubles, grimper sur certains, patauger dans le fleuve, ou monter sur l’autoroute pour redescendre de l’autre côté et surprendre son adversaire… :-) Du point de vue du niveau, j’ai été surpris de ne pas me faire dévisser la tête au bout des premières secondes, ce qui me laisse supposer que les parties se font entre joueurs de niveaux comparables, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.

La cabine de pilotage

Côté visuel, malgré une résolution et une qualité de rendu 3D qui pourrait être nettement améliorées, l’affichage panoramique offre une très bonne immersion : on tourne la tête dans tous les sens dès qu’un robot passe à côté ou au dessus, c’est un vrai plaisir. L’affichage est un peu chargé en informations, qui ne gènent absolument pas la vue, mais sont un peu difficile à appréhender. Le score, le temps restant, les niveaux de vie et d’énergie, les niveaux de vie des deux équipes, les munitions restantes, une carte avec RADAR et une boussole sont ainsi affichés chacun à sa place. Lorsque d’autres robots sont visibles à l’écran, leur niveau d’énergie et le nom de leur pilote sont également affichés au dessus. Heureusement d’ailleurs, car n’ayant aucune connaissance de l’univers Gundam, sans cette information j’aurais été bien en peine de déterminer qui était dans mon équipe.

Mon pire ennemi : « Test. » (avec un point), en pleine action

Du point de vue des contrôles, l’auteur de l’article de AkihabaraNews semblait trouver les commandes un peu difficiles à prendre en main. À vrai dire, elles nécessitent une bonne partie pour prendre les premiers réflexes mais sont néanmoins tout à fait intuitives. En poussant une manette, on a de la poussée du côté de cette dernière, ce qui fait pivoter dans un sens ou dans l’autre. En poussant les deux, on avance, comme dans le générique de Gundam ! Ce qui est plus difficile à maîtriser, ce sont les mouvements à faire en combat, autrement dit la technique, mais c’est justement tout l’intérêt du jeu. On comprend toutefois assez rapidement que lorsque l’ennemi est cerclé en orange, il est à portée de sabre et qu’on peut se jeter dessus et lui asséner un coup le laissant à terre, permettant de se reculer pour mieux tirer dessus dès qu’il se relèvera. Les pédales permettent quant à elles de foncer ou de voler, pendant un temps très bref. Cela permet de se tirer d’une situation dangeureuse, ou de grimper quelque part pour cavaler en hauteur… :-) L’impression générale est tout de même que le Gundam est assez lent, ce qui ne facilite pas les combats.

Copain !

Au final cela fait un très bon jeu, dans lequel on s’amuse vraiment, et dont on sort en pouvant se dire : « Poutrer un gundam avec un sabre, j’ai testé ! »

Le testeur sur les photos, « Test. », n’est autre que Sly.