La programmation n'est pas un art

Il arrive de rencontrer au détour d’une page Internet des discussions sur la question de savoir si la programmation est-elle un art. Ma réponse à cette question est très tranchée : non, la programmation n’est pas un art.

La première question à se poser pour en débattre est ce qu’est l’art. Des générations de penseurs ayant été bien en peine d’y répondre, voyant systématiquement leurs artistes contemporains se faire un plaisir d’invalider par l’exemple leurs définitions successives (non l’art n’est pas forcément beau par exemple), je vais éviter soigneusement ce jeu auquel on perd des plumes facilement. Je vais plutôt me limiter à ce que l’art peut faire.

L’art peut émouvoir.

Un livre, un poème, un dessin, une peinture, une photo, une musique, une pièce de théâtre, un film, une danse, un opéra savent émouvoir. Avec une finesse parfois déconcertante. Un ornement floral peut exprimer aussi bien la passion que le deuil de même qu’une architecture peut exprimer le romantisme, le respect, le bien-être ou l’angoisse. Si l’on s’interroge sur ce qu’on considère habituellement comment tenant de l’artistique, on constate qu’une caractéristique de l’art est de pouvoir exprimer et communiquer, sciemment, des émotions.

Un programme informatique quant à lui exprime des concepts. Il ne communique aucune émotion. Ce n’est pas un art. On peut certes faire de l’art grâce à la programmation, mais elle n’en est pas un art pour autant : la sculpture est un art mais pas le maniement du ciseau en soi. Il existe certes plusieurs façons de résoudre un problème, dont certaines sont plus élégantes que d’autres, mais savoir les choisir tient de la compétence et non de l’art. Bien programmer est certes tout un art, mais maîtriser l’art de la programmation ne rend pas plus artiste que de maîtriser l’art de démontrer des théorèmes.

Non, la programmation n’est pas un art.

À vrai dire j’ai une certaine incompréhension envers cette tentative d’élever, si tant est que ce terme soit adapté, la programmation au rang d’art. Comme si sa nature scientifique était insuffisante pour la rendre digne d’intérêt et que la qualification d’art seule lui permettait d’acquérir des lettres de noblesse supposées manquantes.

Bon, tout ceci étant dit, je veux bien accorder qu’un programme peut faire ressentir de l’angoisse, faire rire, mettre en colère ou simplement donner envie pleurer. ;-)

Contemplation

4 réflexions sur « La programmation n'est pas un art »

  1. Je ne suis pas d’accord (sinon c’est pas intéressant).
    D’une part, tu prétends éviter l’écueil de la définition de l’art, pour immédiatement après proposer ta propre définition arbitraire. On peut faire de l’art sans émouvoir et même sans communiquer d’émotion. Mais même ; admettons cette définition. Tu fais ensuite l’erreur de supposer que la programmation, parce que son essence est d’être l’outil de l’expression de certains concepts, ne peut par la même occasion en communiquer d’autres, comme de l’émotion. Le fait que le but premier de la programmation est d’exprimer quelque chose pour l’ordinateur est en réalité totalement orthogonal à ce que le même programme peut signifier pour un être humain, qui est lui sensible aux émotions, non par l’exécution, mais par la compréhension, voire la simple lecture. La vérité c’est que l’art s’impose différemment selon son observateur ; s’il faut certaines connaissances pour l’apprécier, ça n’en est pas moins de l’art. A ton avant-dernier paragraphe, tu sembles d’ailleurs admettre que ta réaction est plutôt symptôme d’une envie de dépréciation de l’aspect artistique de la programmation par rapport à son intérêt purement technique. Enfin, pour des exemples avérés (et pas tous jeunes) de programmation artistique, je te renvoie aux IOCCC.

  2. Ah justement non ! Définir l’art risquerait de le limiter (à cette définition) et c’est précisément l’écueil que bon nombre se sont vu reprocher de façon souvent démonstrative. Je ne donne pas une définition, mais une caractéristique, un trait.

    De plus la possibilité de faire de l’art sans émouvoir n’est pas pertinente ici : mon propos n’est pas que l’art émeut nécessairement, mais qu’il en a le pouvoir.

    Ensuite je ne suppose pas d’exclusivité entre le rôle et la capacité à véhiculer des émotions. L’architecture a essentiellement pour rôle la création de structures, et est en cela fonctionnelle, mais elle peut véhiculer des émotions. Les deux sont effectivement orthogonaux.

    Que quelqu’un se considère artiste parce qu’il programme, je lui demande quelle est sa démarche artistique. Qu’il me montre comment il véhicule des émotions. Note que je n’exclue pas que certains programmeurs aient une démarche artistique, l’IOCCC en est un exemple, mais cela est un détournement anecdotique. Cela serait plutôt un argument en faveur de l’idée que l’on peut faire de l’art avec tout, mais cela n’en fait pas un art.

    Je reste donc campé sur ma conclusion. :-)

    Concernant la comparaison entre art et science, tu me prêtes la même erreur que je soulève à demi mot : je considère que ce sont deux domaines orthogonaux. Pour se distinguer, un art n’a pas besoin d’être fonctionnel, de même qu’une science n’a pas besoin d’être artistique. Les comparer me semble stérile.

  3. Je me souviens d’un prof de maths en prépa qui après avoir barbouillé le tableau d’une démonstration mathématiques, a reculé d’un pas pour admirer son travail et en a eu les larmes aux yeux. Il prêtait aux mathématiques des valeurs artistiques. Tout comme la Joconde ne m’a pas particulièrement émue (peut-être à cause de la vingtaine de touristes agglutinés devant), je ne trouvais rien de bien exaltant à tous les symboles qu’il venait de s’acharner à écrire. Y aurait-il alors un « art mathématiques »?

    Je me demande finalement si on ne confond pas satisfaction intellectuelle et art.

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